Fautrier – l’abstraction réinventée

Né à la toute fin du 19ème siècle à Paris, Fautrier étudia le dessin et la peinture à Londres. Peintre d’abord figuratif, il s’est vraiment fait connaître et apprécier en 1945, quand il a présenté sa série de quarante petits tableaux, intitulée « Les otages », qu’il peignit pendant la guerre, en réaction aux barbaries nazies. Sa première exposition en Asie – à Tokyo, en 1959 – fit forte impression et une toile de la série des Otages est alors entrée dans la collection du Musée Bridgestone à Tokyo, où elle est exposée aux côtés notamment d’œuvres de Jackson Pollock et de Zao Wou-Ki.

 

Un inventeur et un poète[1]

L’œuvre de Jean Fautrier est de celles qui prolongent alors l’abstraction, née au début du 20ème siècle, en la renouvelant, comme s’y employèrent alors d’autres artistes européens (Tàpies et Bram Van Velde par exemple) et Américains (Mark Rothko, Willem De Kooning par exemple). Tout est sans cesse renouvelé et réinventé dans les années 50 et 60, et la peinture abstraite devient extraordinairement diverse : monochromes (Robert Ryman, Barnett Newman), mobilisation de gestes et de signes graphiques (Jackson Pollock, Sam Francis, Cy Twombly, Soulages), la géométrie des plans et des lignes (Ellsworth Kelly, Aurélie Nemours, François Morellet, Sol Lewitt), les pliages (Simon Hantaï, Park Seo Bo), etc.

C’est au début des années 40 que Fautrier abandonne toute forme de figuration identifiable dans ses peintures. La voie qu’il emprunte apparaît à la fois innovante et poétique. Innovante, car il expérimente des formes abstraites inédites, « en pleine pâte », à l’épaisseur et au relief alors inédits. Poétique, sa peinture le doit à l’émotion du départ, que lui donnent à la fois la couleur et la force et la forme du dessin préalable. A cet égard, bien que différente, cette grande sensibilité rapproche, comme évoqué, l’œuvre de Fautrier de celle de Zao Wou Ki. Tous deux sont des virtuoses de la couleur et de la matière[2].

Au-delà de la grande beauté et de la grande force de ses œuvres, Fautrier restera dans l’histoire de l’art comme celui, avec l’autre grand peintre français Jean Dubuffet, qui aura profondément repensé la peinture française, sur le plan de la technique comme à celui de l’image.

 

Jean Fautrier (1898-1964), Sans Titre, 1959, huile sur papier marouflé sur toile, 38,1 x 61,6cm.

 

Jean Fautrier (1898-1964), Sans Titre, 1959, huile sur papier marouflé sur toile, 38,1 x 61,6cm (détail).

 

[1] « La peinture, cet art le plus poétique qui soit », J. Fautrier, Tel Quel, N° 4, 1961

[2] Ils figurent d’ailleurs tous deux dans l’exposition organisée en 2017 par le Musée National d’Art Moderne-Centre Georges Pompidou « Le geste et la matière, une abstraction autre ».

 

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Henri de Toulouse-Lautrec (1864 – 1901), Femme au tub (Le Tub), 1896

Henri de Toulouse-Lautrec (1864 – 1901)

Femme au tub (Le Tub)

1896

Lithographie en couleurs.  Planche éditée dans la série Elles.

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Henri de Toulouse-Lautrec (1864 – 1901), Femme au tub (Le Tub), 1896

Actuellement, le public est invité à découvrir l’exposition « Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910 » au Musée d’Orsay.  L’œuvre choisie, dans cet article, appartient à l’une des pièces de la série de lithographie Elles – une des plus grandes réussites de Toulouse-Lautrec.  Cette série a été réalisée pendant le séjour de l’artiste dans les maisons closes dans le quartier bohème de Montmartre.  Les femmes de la maison close sont vues prendre les bains, faire leur toilette et parfois dormir.  Dans cette lithographie, la scène montre une femme délicatement habillée se penchant alors qu’elle prépare son bain pour sa toilette.  Cette scène intime présente la femme dans une mise en scène intérieure élégante.  La familiarité de l’artiste avec le protagoniste est mise en évidence.

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa (le 24 novembre 1864 – le 9 septembre 1901), est un peintre du postimpressionnisme, un dessinateur, un illustrateur de l’Art nouveau et un remarquable lithographe.  Il a croqué le mode de vie de la Bohème parisienne à la fin du XIXsiècle.  On le considérait comme « l’âme de Montmartre », le quartier parisien où il habitait.  Ses peintures décrivent la vie au Moulin Rouge et dans d’autres cabarets et théâtres montmartrois ou parisiens.  Il peint dans les maisons closes qu’il fréquentait.  Malgré une vie courte et marquée par la maladie, les œuvres de l’artiste furent très vastes, comprenant les peintures, les aquarelles, les lithographies (y compris les affiches) et les dessins.  N’ayant pas besoin d’exécuter des œuvres sur commande, Lautrec choisissait des sujets qu’il connaissait bien ou des visages qui l’intéressaient et, comme il fréquentait des gens de toute sorte, ses tableaux couvrent une vaste gamme de classes sociales : nobles et artistes, écrivains et sportifs, médecins, infirmières et figures pittoresques de Montmartre.

Toulouse-Lautrec fut inspiré des estampes « Douze heures dans le Yoshiwara » de Kitagawa Utamaro, dans lesquelles l’artiste japonais dépeignit la vie quotidienne des prostituées à Tokyo.  Pour réaliser Elles, Toulouse-Lautrec a passé les longues années dans les maisons closes situées à la rue des Moulins afin d’obtenir un condensé des observations de la vie quotidienne des courtisanes.  L’artiste trouva que le sens détendu des femmes fait d’elle des modèles idéaux avec leur propre sexualité.

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Henri de Toulouse-Lautrec, Elles, 1895

La présentation de cette œuvre montre en premier plan une prostituée sensible et respectueuse.  Même si l’artiste n’a pas montré le visage du personnage, il fut capable de saisir l’instant, avec virtuosité, au plus près du quotidien du personnage, à travers son geste.  Cela fut renforcé par la présentation des décors domestiques en arrière-plan.  La composition se fait sans voyeurisme, mais témoigne d’une observation discrète à l’aide de couleurs qui s’abstiennent de tout effet criard et voyant.  Cette œuvre n’a pas porté un fantasme érotique, mais plutôt un portrait intime d’une femme.  L’artiste a réussi à présenter l’intimité de la femme, même cette série n’a pas connu de succès commercial à cette époque-là

La technique utilisée est la lithographie.  C’est une invention d’Aloys Senefelder, en 1796, en Allemagne.  La lithographie est une technique d’impression à plat qui permet la création et la reproduction à de multiples exemplaires d’un tracé exécuté à l’encre ou au crayon sur une pierre calcaire.  La lithographie devient la forme la plus commune d’impression à plat dès le début du XIXe siècle grâce à sa facilité d’exécution.  Les épreuves sont obtenues à partir d’une surface ni creuse, ni en relief, mais parfaitement plane.  L’artiste peut dessiner sur la superficie d’une pierre d’un type spécial comme il a l’habitude de le faire sur du papier, avec relativement peu de contraintes techniques.  Les pierres peuvent être réutilisées après l’impression, au moyen d’un polissage.  Cette technique est très populaire au XIXe siècle, avec la publication de nombreux recueils et d’innombrables récits de voyages.  Meilleur marché que la peinture, la lithographie sert également à la reproduction d’œuvres peintes et la création d’œuvres originales, intéressant donc les artistes, parmi eux, Toulouse-Lautrec.

Cette technique est basée sur la répulsion réciproque de l’eau et des corps gras.  Pour la faire, l’artiste dessine sur une plaque de calcaire lisse et plate, en utilisant une encre spéciale très grasse, ou un pastel à base de cire, de savon et de noir de fumée.  Une fois le dessin exécuté, la pierre est placée sur la presse lithographique et humidifiée pour l’impression.  C’est un traitement chimique fixant les corps gras sur le dessin et augmentant la porosité des zones vides.  Étant poreuse, la pierre calcaire retient l’eau.  L’encre grasse est déposée au moyen d’un rouleau en caoutchouc.  L’encre reste sur la pierre aux endroits imprégnés du gras du dessin tandis qu’elle est repoussée par l’humidité partout ailleurs (l’encre grasse est hydrophobe).  Lorsque la pierre est assez encrée, on pose le papier et on passe sous presse. Pour imprimer en couleurs, il faut recommencer l’impression de la même feuille, en dessinant à nouveau, sur une pierre différente, le motif en fonction de sa couleur, et en tenant compte éventuellement des superpositions de couleurs qui donneront des teintes mixtes.   En travaillant des façons peu variées, on peut obtenir les effets particuliers.  On peut gratter certaines parties du dessin.  Il est aussi possible de transférer un dessin fait à la craie lithographique ou peint à la touche (encre lithographique) d’un papier ou d’un autre support sur une pierre.  Ce support a seulement un rôle secondaire de transfert.  Cette possibilité de travailler sur papier offre une liberté et une spontanéité que le dessin sur la pierre n’autorise pas.

Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910

Musée d’Orsay, Paris

22 septembre 2015 – 17 janvier 2016

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Pablo Picasso (1881-1973), Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV, 14 janvier 1955

Pablo Picasso (1881-1973)

Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV

14 janvier 1955

Eau-forte, grattoir et pointe sur cuivre

Épreuve sur papier vélin de Rives, tirée par Lacourière.  Dation en 1979, MP3016

Pablo Picasso (1881-1973), Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV, 14 janvier 1955

Actuellement, le public est invité à découvrir l’exposition « Accrochage Picasso chez Delacroix » au Musée National Eugène-Delacroix.  L’œuvre choisie, dans cet article est un des travails des Femmes d’Alger d’après Delacroix de Pablo Picasso.  En 1955, Picasso exécute quinze peintures, de multiples dessins préparatoires et des estampes, d’après le tableau Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix.

Différente de la représentation de la peinture Femmes d’Alger dans leur appartement dans laquelle Delacroix développa des images d’intimité et de paresse sensuelles, cette œuvre de Picasso a mis l’accent sur les poitrines des femmes.  Leurs seins sont semblables à des obus ou à des bombes.  Dans la composition, Picasso cadra simultanément plusieurs plans différenciés selon plusieurs angles.  La femme de gauche aux seins nus (Jacqueline) contraste avec sa compagne étendue sur la droite, la servante emportant le plateau, et la figure dans l’encadrement de la porte ou du miroir.  Les trois dernières sont entièrement nues et pareillement construites sur des plans et sous des angles différents.  En arrière-plan, l’espace géométrisé en carrés renforce les contrastes des personnages.

Les interprétations de la motivation de Picasso en réalisant cette série d’œuvres d’après le tableau Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix sont multiples.  D’une part, il était impressionné par les femmes arabes lors de sa visite d’une maison musulmane, à Alger et aussi par la femme au narguilé qui évoque pour lui une ressemblance fortuite avec Jacqueline, sa nouvelle compagne après la mort de Matisse.  D’une autre part, cette série est interprétée comme un hommage à l’insurrection algérienne en novembre 1954.  Pour Picasso, les femmes représentant  l’orientalisme mythique sensuel et voluptueux dans le tableau de Delacroix, symbolisent, aussi, une ville sous le joug de la révolution.  La représentation des seins comme des obus et des bombes montre l’hostilité et fait écho à l’émancipation des femmes algéroises qui ont milité à côté des rebelles pour l’indépendance du pays.  Les femmes d’Alger ne furent plus dans l’attente, mais dans l’action, et leur corps ne fut plus érotisé mais guerrier.  L’intimité qui régna dans le tableau de Delacroix fut remplacée par l’engagement physique.

Les techniques utilisées dans cette estampe sont l’eau forte, le grattoir et la pointe sur cuivre.  L’eau-forte est un procédé de gravure en creux ou taille-douce sur une plaque métallique à l’aide d’un mordant chimique (un acide).  C’est donc un procédé de taille indirect.  L’artiste utilisant l’eau-forte est appelé aquafortiste.  Parmi les différents procédés d’eaux-fortes, il existe l’aquatinte, la gravure au lavis ou la manière de crayon qui sont différenciées par les outils ou vernis à graver utilisés.  Le graveur exécute le dessin à la pointe sur une plaque de métal préalablement recouverte d’une pellicule de vernis inattaquable par l’acide.  La plaque est ensuite plongée dans un acide qui creuse des sillons dans les parties travaillées.  Après nettoyage du vernis, la plaque est encrée et mise sous presse.  Le graveur peut immerger plusieurs fois la plaque en masquant au besoin certaines parties qu’il juge abouties.  La profondeur du trait et, par conséquent, sa densité sur l’impression obtenue résultent de la durée d’immersion de la planche dans l’acide.  Le procédé à l’eau-forte n’est donc pas seulement mécanique, mais aussi chimique.  Le geste le rapproche de la technique du dessin.  L’eau forte a l’avantage d’être bien plus facile à mettre en œuvre que le burin et permet une plus grande rapidité d’exécution.   À l’aide du grattoir, le graveur peut repolir sa plaque pour la repentir.  Dans une œuvre, l’eau forte présente des lignes délicates, tremblotantes, hésitantes.

Pablo Ruiz Picasso est né à Malaga en 1881.  Considéré comme le fondateur du cubisme avec Georges Braque, il est incontestablement l’un des plus grands artistes du XXe siècle.  Il avait un désir insatiable d’expérimenter toutes les techniques et d’en imaginer de nouvelles.  Au cours de ces cinquante ans, Picasso est passé du Classicisme au Cubisme ou encore au Surréalisme, combinant parfois ces styles.  Quant à l’estampe, les œuvres gravées de Picasso sont considérables, les pluparts sont réalisées entre 1899 et 1973.  Il s’adonne à l’eau-forte, à l’aquatinte, à la lithographie, à la linogravure, au monotype, en tentant à chaque fois de renouveler le genre.  Picasso découvre très tôt la gravure, possède sa propre presse dès 1907 et grave jusqu’à sa mort à 91 ans.  Loin d’être traitée de manière isolée, la gravure est toujours en dialogue avec les différents modes de création : sculpture et peinture. Il est accompagné dans sa recherche par Roger Lacourière pour la taille douce, par Fernand Mourlot pour la lithographie, par Hidalgo Arnera pour la linogravure et, à partir de 1955, par Jean Frélaut puis les frères Aldo et Piero Crommelynck qui installent une imprimerie à Mougins près de Notre-Dame-de-Vie en 1963.

L’exposition Accrochage Picasso chez Delacroix

Musée national Eugène-Delacroix, Paris

Du 21 Octobre 2015 au 25 Janvier 2016


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Albrecht Dürer (1471-1528), La Mélancolie [Melencolia I], 1514

Albrecht Dürer (1471-1528)

La Mélancolie [Melencolia I], 1514

Gravure au burin

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Albrecht Dürer (1471-1528), La Mélancolie [Melencolia I], 1514

Actuellement, le public est invité à découvrir l’exposition « Fantastique ! L’estampe visionnaire : de Goya à Redon » au Petit Palais.  L’œuvre choisie, dans cet article, la Mélancolie ou Melencolia I, est une gravure au burin sur cuivre d’Albrecht Dürer.  Cette œuvre est très célèbre en raison d’une richesse symbolique exceptionnelle et ses différentes interprétations possibles.  Elle rappelle l’histoire à la fin du Moyen-âge où la Renaissance était l’âge d’or de la mélancolie.  Le thème est allégorique.  C’est la mélancolie de la création de l’artiste, qui a aussi pu être considéré comme un autoportrait symbolique.

Albrecht Dürer (1471-1528) est surtout connu en tant que graveur.  Il fut l’artiste allemand le plus important dans la période comprise entre le Gothique et la Renaissance.  En 1486, Dürer devint apprenti peintre et graveur sur bois.  À 13 ans, il commença son apprentissage de trois ans et apprend à se servir du burin et de la pointe.  Son père lui permit d’entrer dans l’atelier d’un peintre où il apprit à manier la plume et le pinceau, à copier et dessiner d’après nature, à réaliser des paysages à la gouache et à l’aquarelle et également à peindre à l’huile.  Il se familiarisa également avec la technique de gravure sur bois.  Dürer visita Venise in 1494-95 et à nouveau entre 1505 et 1507.  Ces visites influencèrent fortement son art.  Dürer était le peintre officiel à la cour de Maximilien I, le Saint empereur Romain, en 1512 et ensuite sous Charles V en 1520.  Il s’est intéressé à la géométrie pour des raisons intellectuelles et pratiques.  Une de ses méthodes utilisées pour résoudre les problèmes de projection était la géométrie descriptive.  Cette dernière, dont il établit les fondations, sera reprise  par Gaspard Monge.  Il inventa en 1525 une méthode approchée pour la trisection d’un angle par une construction euclidienne.  Cette œuvre Melencolia I est surtout connue pour contenir le premier carré magique en Europe.

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Le carré magique

La composition de cette œuvre est riche.  Au premier plan, un personnage (un ange) ailé au visage soucieux de femme, avec un coude replié appuyé sur la joue.  Pensif, le regard tourné vers le lointain, elle tient, sur ses genoux un livre, avec un compas à la main, une bourse et des clés pendent de sa ceinture.  Il y a des outils éparpillés sur le sol près de cet ange se rapportant les uns au travail de la pierre, les autres au travail du bois.  Dans le contexte de l’époque de Dürer, ces outils rappellent les initiations correspondantes des artisans : celle des maçons et des tailleurs de pierre d’une part, celle des charpentiers d’autre part.  D’ailleurs, on retrouve de nombreux éléments représentant la création.  Par exemple, la scie, le rabot, les clous, la pince et le marteau signifient la création manuelle, le  compas (ou le sextant) et la règle signifient la création scientifique, l’encrier signifie la création littéraire.  La sphère portant un sens de la recherche de la perfection fut une signification commune à cette époque-là.  Ce premier plan montre une représentation de la vie terrestre.  Au deuxième plan, les thèmes baroques sont évidents.   Il s’agit d’une représentation spirituelle du monde.  Il y a des divers instruments de mesure : une balance (représentant la justice), un sablier (renforçant la posture d’attente de l’ange du premier plan), une cloche (signifiant un rappel au temps terrestre ou bien un appel à une prière) et un carré magique.  Le carré est magique parce que l’addition des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale donne le même résultat qui est 34.  La date d’œuvre 1514 fut aussi incorporée dans la ligne inférieure des numéros du carré magique.  Il y a un putto qui est tourné dans la même direction de l’ange et qui tient des objets semblables.  C’est une représentation de l’allégorie de la Mélancolie.  Ce putto semble en sommeil.  Le Lévrier couché au pied de l’ange est aussi endormi.  Tous les deux  représentent l’attente.  L’échelle à côté du putto est souvent associée aux sept Arts libéraux qui sont en relation avec l’hermétisme.  L’arrière-plan représente un paysage idéal : maritime ; l’isolement avec une île (signifiant l’écart par rapport à la civilisation).  La créature nocturne qui porte, sur la face interne de ses ailes, le nom de la gravure – Melencolia.  Dürer a inséré un signe, une simple « arabesque » décorative ou bien une allusion à un S orné, entre le mot Melencolia et le I final, dont la signification ouvre la voie à des interprétations complexes.  On pourrait considérer que « Melencolia-S.I » par la présence de ces deux dernières lettres, faisant fortement penser aux initiales latines du Saint-Empire, serait une interprétation de nature apocalyptique.

Depuis la période classique, la mélancolie est considérée comme un stade dépressif de l’esprit qui enlève à l’artiste son enthousiasme pour le travail.  Si on comprend la Mélancolie selon une allusion allégorique à l’illusion, l’attitude d’attente et de « sommeil de la raison » symbolise un retour au Principe Divin.  La description d’un monde divin et angélique en attente et prêt à restituer à un monde humain rappelle une vanité.  Ce type de représentation eut la fonction, principalement à la Renaissance, de montrer le passage éphémère de l’homme sur la terre.  Elle se divise la plupart du temps en deux parties qui opposent vie terrestre et vision mystique.

La technique utilisée est une gravure au burin qui était développée dans le milieu des orfèvres au XVe siècle.  Cette dernière est une technique directe  avec laquelle le graveur entaille directement la plaque de métal avec les outils sans aucun autre intermédiaire.  Cette gravure en taille-douce (gravure en creux) exige donc une très grande maîtrise et une longue expérience.  Le burin est un outil en acier trempé avec un manchon en bois.  La pointe du burin en forme de losange incise très finement la surface de la plaque de cuivre.  L’artisan, s’il veut obtenir des demi-tons, croise très minutieusement des séries de traits parallèles ou resserre les linéatures pour créer le modelé.  On peut graver sur différents métaux.  Pour l’impression, il est nécessaire d’humidifier le papier avant l’encrage de la plaque.  Le papier doit être suffisamment souple pour pénétrer dans les traits les plus fins.  La plaque est légèrement chauffée et l’encrage se fait au tampon.  On fait pénétrer l’encre dans chaque taille et puis on  fait l’essuyage.  C’est une partie délicate.  Les blancs doivent être impeccables et les contrastes nets.  Ensuite, la plaque est déposée sur la presse.  L’épreuve devra sécher une douzaine d’heures, protégée par un papier serpente ou papier de soie.  Parfois, le graveur n’emploie pas seulement le burin.  Il termine son travail en combinant les autres techniques comme l’eau-forte ou la pointe sèche.

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L’exposition Fantastique ! L’estampe visionnaire : de Goya à Redon au Petit Palais, Paris

L’exposition Fantastique ! L’estampe visionnaire : de Goya à Redon

Petit Palais, Paris

Du 1er octobre 2015 au 17 janvier 2016

 

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Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), La pleine lune du huitième mois, vers 1836

Utagawa Kuniyoshi (1797-1861)

La pleine lune du huitième mois

Série sans titre de beautés avec des enfants au fil des douze mois de l’année

vers 1836

Gravure sur bois en couleurs

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Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), La pleine lune du huitième mois, vers 1836

Actuellement, le public est invité à découvrir l’exposition « Fantastique ! Kuniyoshi : Le démon de l’estampe » au Petit Palais. L’œuvre choisie, dans cet article, est une des gravures sur bois en couleurs de la série « sans titre de beautés avec des enfants au fil des douze mois de l’année » d’Utagawa Kuniyoshi.  Cette dernière qui représente des jeunes femmes en compagnie d’enfants ponctue l’année à Edo. La pleine lune que l’on admire au huitième mois fait l’objet d’une fête au Japon car elle passe pour être la plus belle de l’année.  À cette occasion, il est d’usage de déposer un bouquet d’herbes devant sa maison.  Le kimono en coton léger appelé « yukata » que porte la jeune femme présente un décor de cristaux de neige à la dernière mode de cette époque.  En haut de l’image, un cartouche situe le décor de la scène nous montrant les navires au pont Eitai.  Ce cartouche distinctif qui s’appelle toshidama est un signe réservé aux membres de l’école Utagawa de dessinateurs d’estampes ukiyo-e.  Bien que cette série soit sans titre, chaque impression a son propre titre ainsi qu’une vue d’encart dans le toshidama.  Ce dernier était un signe des estampes de Kuniyoshi jusqu’à 1844 ; date à laquelle il s’est distancié de l’école Utagawa et a cessé d’utiliser le sceau de toshidama.  C’est alors que son concurrent Kunisada s’est déclaré lui-même à la tête de l’école Utagawa et  a adopté le nom Toyokuni. Les tirages sont chacun d’environ 36 x 25 centimètres, taille connue sous le nom ôban.

Kuniyoshi est l’un des derniers grands maîtres japonais de l’estampe sur bois.  Il est resté moins connu en Occident qu’Hokusai et Utamaro, peut-être à cause de  l’anticonformisme de son œuvre  qui le tint à l’écart de la vague du japonisme décoratif en Europe à la fin du XIXe siècle.  Ses estampes sont caractérisées par l’originalité de leur inspiration et des cadrages, par la violence dans les séries de monstres et de combattants, mais aussi pour l’humour dans les séries d’ombres chinoises, les caricatures et les représentations de la vie des chats.  Néanmoins, il y a une section dans l’exposition dans laquelle les quartiers des plaisirs et les paysages à l’époque d’Edo sont bien représentés.

A l’époque d’Edo, les acteurs sont adulés comme des stars.  Les estampes jouent un rôle de support publicitaire pour la présentation de productions théâtrales mais aussi pour les spectacles d’acrobates et d’équilibristes.  Elles transmettent les détails de la vie des japonais : spectacles variés, fêtes saisonnières, quartiers des plaisirs, figuration des courtisanes. Les modèles favoris de l’artiste sont  les courtisanes de haut rang,  au raffinement accompli, celles-ci formant un monde à part.  À l’occasion des multiples festivités qui s’y déroulent, les geishas divertissent l’assistance cultivée en dansant et en jouant de la musique.

Dans cette estampe,  au premier plan, l’expressivité du visage de la femme lui donne de l’élégance et de la tranquillité.  Les jeux d’ombres et de lumières (de la plante derrière l’écran papier et de la colline au loin en arrière-plan) produisent une gradation tandis que les usages de la perspective, des couleurs fines et la technique d’estampage permettent à l’artiste de mettre du volume dans l’impression.  Les couleurs jouent un rôle essentiel dans l’estampe japonaise : elles créent le rythme, elles modulent l’espace et accentuent les volumes.  La finesse des motifs du kimono manifeste bien l’originalité japonaise.  La représentation détaillée des personnages dans les scènes de paysages apporte l’impression de chaleur humaine.

La technique utilisée dans cette estampe est la gravure sur bois.  Au Japon, elle s’appelle l’estampe ukiyo-e.  Il existe deux types d’ukiyo-e : des peintures à exemplaire unique (appelées nikuhitsu ukiyo-e), exécutées au pinceau par l’artiste, directement sur un support en papier ou en soie ; et des estampes reproduites en plusieurs exemplaires, selon la technique de la gravure sur bois et le dessin réalisé par un peintre.  Les estampes sont présentées sous la forme de feuilles séparées ou de plusieurs feuilles réunies en album et brochées à la manière d’un livre.  Lorsqu’on parle d’ukiyo-e au sens étroit, on fait généralement référence aux estampes à feuille unique.  Il s’agit d’une gravure en relief (xylographie), visuellement nous pouvons la comparer à un tampon.  L’encre est déposée sur le relief, l’impression sur un papier produit une estampe.  La gravure est exécutée sur une planche de bois de cerisier, très apprécié pour la finesse de sa veinure et sa dureté.  La réalisation d’une estampe ukiyo-e nécessite l’intervention de plusieurs corps de métier : le peintre (eshi), qui réalise le dessin préparatoire, le graveur (horishi), qui reporte ce dessin sur une planche de bois et l’imprimeur (surishi), qui exécute l’œuvre finale selon les indications de l’artiste pour l’application des couleurs.  Par conséquent, le peintre n’intervient généralement que dans la réalisation du dessin, mais il ne grave pas l’œuvre lui-même, ni ne participe à son impression.  Le peintre réalise un dessin à l’encre de chine sur un papier japonais très fin.  Le graveur enduit la planche de bois de colle à base de riz, puis place le côté recto du dessin sur la planche.  Il frotte jusqu’à ce que les traits à l’encre de chine pénètrent dans le bois.  Le papier part en lambeau, le dessin est détruit.  Le graveur creuse ensuite le bois autour des tracés d’encre de chine.  C’est la planche de trait.  Il grave ensuite autant de planches qu’il y aura de couleurs sur l’estampe finale.  L’imprimeur prend le relais.  Il utilise un papier japonais traditionnel, humidifié afin qu’il absorbe bien les pigments.  Les planches sont enduites d’encre sur les reliefs, le papier est posé successivement sur les différentes planches, l’impression se faisant par frottement avec un tampon de feuilles de bambou.  L’imprimeur commence l’impression en allant des teintes les plus claires jusqu’aux plus foncées.

L’exposition Fantastique ! Kuniyoshi : Le démon de l’estampe

Petit Palais, Paris

Du 1er octobre 2015 au 17 janvier 2016

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David Hockney, Still Life Blue Guitar, 4th April 1982

David Hockney

Still Life Blue Guitar, 4th April 1982

Polarïods composites

 

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David Hockney, Still Life Blue Guitar, 4th April 1982

The Still Life Blue Guitar, 1982 is a composite Polaroids of David Hockney.  Composite Polaroids is the creation of a patchwork to make a composite image by using varying numbers of Polaroid snaps of a single subject.  In The Still Life, Blue Guitar, 1982, Hockney has photographed around the guitar itself, and this subject has been taken at different distances and from different angles.  This image symbolizes clearly Hockney’s view of photographing the whole scene, from different perspectives.

David Hockney is a great painter, but he is also famous for his photography.  Born in Bradford, England, in 1937, the artist attended art school in London before moving to Los Angeles in the 1960s. There, he painted his famous swimming pool paintings.  In Paris, Hockney produced portraits of artists as part of a series of highly finished crayon drawings between 1973 and 1975.  Each drawing was made in a single session lasting three or four hours.  Hockney was able to include Andy Warhol in this series of drawings when the Pop artist visited Paris.  The artist is quite convinced that painting can’t disappear because there’s nothing to replace it.  The photograph isn’t good enough and real enough in his opinion.  Throughout his career Hockney has enjoyed a love-hate relationship with the camera.  He began using photography in 1967 when he purchased his first 35mm camera and used it as an aide-mémoire for his painting.  In the 1970s, Hockney began working in photography, creating photo collages which he called “joiners”. He continues to create and exhibit art, and in a 2011 poll of 1,000 British painters and sculptors commissioned by The Other Art Fair, he was voted the most influential British artist of the 20th century.

David Hockney has taken inspiration from Picasso throughout his career. Since around 1980, he has taken on the theory of Cubism as a significant foundation for both his painting and photography.  The influence of Picasso emerges in Hockney’s artistic development so repeatedly and consistently that it almost provides a narrative to the younger artist’s career.  Hockney engaged directly with the idea of Picasso as master in two etchings, Artist and Model, 1973-74 and The Student-Homage to Picasso, 1973, made following the artist’s death in the same year.  He went on to produce a suite of twenty etchings inspired by Wallace Stevens’ 1937 poem The Man with the Blue Guitar, which was itself inspired by Picasso’s The Old Guitarist, 1903.  Using various Picasso motifs, his paintings explored a realm of imagination as opposed to rational observation.

The work Still Life, Blue Guitar, 1982 now displaying at the exhibition Picasso.mania at the Grand Palais in Paris demonstrates the artist’s enthusiasm for the work of Picasso and yet his long dissatisfaction with the “tyranny” of the single lens that dominates photography and film.

“I’ve finally figured out what’s wrong with photography. It’s a one-eyed man looking through a little hole.  Now, how much reality can there be in that?”– David Hockney

Hockney then tried to overcome this obstacle of the limited perspective of a stationary camera.  Since a single photograph can only show one point of view, usually for a small period of time, the artist was prompted to invent his “joiners” – taking Polaroid photographs of one subject and arranging them into a grid layout.  In fact, the creation of the “joiners” occurred accidentally.  He noticed in the late sixties that photographers were using cameras with wide-angle lenses to take pictures. He did not like such photographs because they always came out somewhat distorted.  He was working on a painting of a living room and terrace in Los Angeles.  He took Polaroid shots of the living room and glued them together, not intending for them to be a composition on their own.  Upon looking at the final composition, he realized it created a narrative, as if the viewer was moving through the room.  He began to work more and more with photography after this discovery and even stopped painting for a period of time to exclusively pursue this new style of photography.  Later he used regular 35 MM prints to create photo collages, compiling a ‘complete’ picture from a series of individually photographed details.

The idea behind Hockney’s grids was to inject multiple reference points into photography, in short, to make it cubist.  This use of multiple perspectives and “moving focus” in a variety of media ranging from his early “joiners” to the Polaroid and 35 MM photo-collages became the major productions of the artist in 1980s.

In the same exhibition Picasso.mania, we can see other works of David Hockney such as Mother I, Yorkshire Moors, 1985, and also The Jugglers, 2012.  The latter is a 9-minute video installation the artist created in his enormous Yorkshire studio.  To make it, he placed 18 individual fixed digital cameras mounted from the balcony that overlooks his sky-lit studio, and hired twelve members of the nearby York Juggling Club to perform against a background of striking bright blue floor and fire-engine red backdrop he had painted especially for the filming.

Picasso.mania

Grand Palais, Paris

7th October 2015 to 29th February 2016


Cindy

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Hyun Jeung, Ginkgo, 2011

Hyun Jeung

Ginkgo, 2011

Wood engravings

 

Ginkgo is the series of impressions made by wood engraving.   Created by Korean printmaker and ceramist Hyun Jeung, the works are now displayed at the City Hall of the 8th arrondissement of Paris, under the exhibition “Figurations Coréennes”.

The display consists of three impressions of different colors.  One print is colored in grayish silver while another with yellowish bronze added in.  In the background, there is a hint of calligraphy that one may usually find in a traditional ink painting.  The way the ink sits on the page is very fine and delicate, yielding an effect as if the design has been printed on a transparent piece of silk, a similar touch of some delicate interweaving patterns.

Wood engraving is a printmaking and letterpress printing technique, in which the artist makes the image or matrix of images into a block of wood.  The artist applies ink to the face of the block and prints using relatively low pressure.  Since the printing plates or blocks are inked and the recessed areas are ink-free, printing the image is therefore a relatively simple matter of inking the face of the matrix and bringing it in firm contact with the paper.  By contrast, ordinary engraving, like etching, uses a metal plate for the matrix, where the ink fills the valleys – the recessed areas.  As a result, wood engravings deteriorate less quickly than copper-plate engravings, and have a distinctive white-on-black character.

For the works of Hyun Jeung, despite a series of prints is made from the same woodblock and born from the same matrix, lines, and gestures, it is far from being a simple image transfer.   Each individual print is subtly different, as the artist varies the inks used each time.  For Hyun Jeung, printmaking is an art of process rather than a reproduction technique.  Paradoxically, it can reveal the changing nature of things through repetition.   Each time when the matrix meets the paper, the time and space are opened for a range of possibilities for the layers of ink to mix and dried, for the image to interact and play with the veins of the wood.  It is because of this astonishing profusion of space-time that the unknown is allowed to join with the known.  This is what the artist named the void – having herself stepped back to give way to a force that can express itself.

In the same exhibition, another work of the artist Kaki is also displayed.  She captures the atmosphere in her own words: “Like many Koreans, we used to have a large Gam tree – or Kaki tree – in our backyard.  In the summer, its generous leafage would bring freshness to the house, playing with the wind to paint symphonies of shade and light on the grass.  And in the winter, the plump Gam fruits would scatter orange dots against the snowy sky.”   Each of the artist’s prints differs with a field of fluctuations when each of them takes on the undulating colors, textures and moods.  Just like the quiet mingling of shade and light underneath the Gam tree.

Grew up in Korea before coming to France, the young artist has relocated to Tunisia to live and works after having got a PhD in Fine Arts at the Université Panthéon-Sorbonne in Paris.  She also studied printmaking at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris for one year under the guidance of printmaker and painter Jean-Pierre Pincemin, and has undertaken training in Chinese woodblock printing in Beijing.  Hyun Jeung has been shortlisted twice for the GRAV’X Prize (1995 & 2007) – a printing prize awarded every two years by the Gravix Foundation – and she won first prize for printmaking in 2002 at the Salon des artistes de la Ville de Paris.  Several of her prints have also been acquired by the Bibliothèque Nationale de France and the Tunisian Ministry of Culture.

Korean contemporary art

From the 17th century, the Western art models have started to exert their influences on the productions of the Far Eastern paintings.  It was Japan, who at the Meiji era (1868-1912), first made a major move in the Asian art scene by taking on board these influences from the schools of Europe.  Then China quickly followed suit.  Not until 1950s that Korea has completely caught up on his neighbors in terms of this international art vision.

Despite its inventiveness, Korea remained a country insisting on the preservation of the conservative principles of Chinese origin at the end of the Joseon era (1392-1910).  Under the Japan-Korea Treaty of 1876, the Meiji government sought to integrate Korea both politically and economically into the Empire of Japan.  Then annexed in the Japan-Korea Treaty of 1910, Japan brought to a close the Joseon period and Korea officially became an integral part of Japan.  The establishment of political structures and institutions of Japan has deeply influenced the traditional Korean culture.

The Korean art demonstrated a lot of similarity to that of Japan.  Not until the end of the Second World War that the art scene in Korea regained its independence, marked by a rapid process of international artistic assimilation and adaptation.  The second half of 1950 saw a growing of groups and movements opposed to the conservative circles and this helped to definitively establish a new contemporary art scene in Seoul.  The dominating taste of figuration in the late 1940s and early 1950s gave way partially to the abstract expressionism under the influence of America, as well as that of the School of Paris, as a consequence of the need for individual expression after the colonization and the war.  This trend has led many top artists to move to abstraction by the end of the decade.  After the end of colonization by Japan and the relative stabilization of the political situation, many Koreans went abroad.  Paris becomes a destination for some of the major contemporary Korean artists.  With the evolution of time, the art scene of Korea undergoes a variety of movement and a diversity of models, styles and techniques are seen in nowadays’ Korean contemporary art.

The exhibition of Séoul-Paris-Séoul at the Cernuschi Museum, together with its annexed exhibition “Figurations Coréennes” held at the City Hall of the 8th arrondissement of Paris, together provide a complete journey for the visitors to explore this difference of styles in contemporary Korean art.

Figurations Coréennes

Mairie du 8ème arrondissement (3, rue de Lisbonne 75008)

15th October to 6th November 2015

 

Séoul-Paris-Séoul

Musée Cernuschi

16th October 2015 to 7th February 2016


Cindy

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Antony Gormley, Vessel, 2012

Antony Gormley

Vessel, 2012

Cor-Ten steel, M16, countersunk steel screws

370 x 2200 x 480 cm

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Antony Gormley, Vessel, 2012

Displayed right at the center of the hall of CENTQUATRE-PARIS in the 19th arrondissement, Vessel has caught the sight of every viewer who visits the exhibition “Follia Continua! 25 years of Galleria Continua”.  Designed by the famous British sculptor Antony Gormley, Vessel is made out of 39 interconnecting rectangular steel boxes.  The material Cor-Ten steel, trademarked weathering steel, is a group of steel alloys which were developed to eliminate the need for painting.  The use of this material allows the sculpture to form a stable rust-like appearance after exposed to the weather for several years.

Vessel takes on the form of a gigantic recumbent man, which at first glance, may appear to viewers as a non-aligned work by Donald Judd.  The series of box containers is an architectural structure of parts – the vessels that form a body.  Yet it is in turn presented in a seemingly haphazard way inside the architecture that is made for the scale of man.  Here the spatial definitions and purposes are blurred and unstable.  The idea mediates on the renaissance trope of the city in the form of a man by making a man made in the form of a city.  It provokes questions about the social and inspirational role of sculpture and its potential to provide direct bodily experience.

This falls into the usual practice of the artist who is widely acclaimed for his sculptures, installations and public artworks that investigate the relationship of the human body to space.  Born in London in 1950, Gormley has developed the potential opened up by sculpture since the 1960s through a critical engagement with both his own body and those of others in a way that confronts fundamental questions of where human beings stand in relation to nature and the cosmos.  The artist continually tries to identify the space of art as a place of becoming in which new behaviors, thoughts and feelings can arise.

For the exhibition at Le CENTQUATRE-PARIS, 2015, Antony Gormley has written, “Take this work as the model of a building that invites you to look into its inner spaces.  I am excited to see Vessel exhibited in Paris, especially in the spaces of a former coffin factory where today, intelligent, lively bodies interact with each other.  Vessel will be the biggest body in there.  It has never been seen in a major city, so I hope that here in Paris, its mirroring of the cells of a dense urban environment will make sense.  Buildings in a city connect with and separate from one another.  You cannot inhabit this work but you can peer into it and see these connections and dead-ends modeled.”

The works of Antony Gormley naturally bring us to ponder on the anti-monumentalism (or Counter-monumentalism), a philosophy in art that denies the presence of any imposing, authoritative social force in public spaces.  It rejects the notion of a monument developed from an elitist point of view as an emblem of power, an opposition to monumentalism whereby authorities establish monuments in public spaces to symbolize themselves or their ideology, and influence the historical narrative of the place.  Artists explore the contemporary drive for creating memorials not of men on horses or mermaids in fountains, but for everyday people and tragedies.

By the same token, we could see that Antony Gormley explores the relation of the human body to space and moments in time through his sculptures, installations, and public artworks.  Over the last 25 years, Antony Gormley has revitalized the human image in sculpture through a radical investigation of the body as a place of memory and transformation, using his own body as subject, tool and material.  He used a cast of his own body as their starting point and for his large-scale, outdoor installations such as Angel of the North (1998) and Another Place (1997).  In Event Horizon (2007), which has been shown in London, Rotterdam, and New York, Gormley sited 31 body forms atop rooftops, riverbanks, and sidewalks within the dense urban environment.  In One & Other (2009), a project for the Fourth Plinth in Trafalgar Square, London, he invited members of the public to create their own artwork on top of the plinth for one hour time slots over a period of 100 days.

Other sculptures in Paris at the moment

At the moment, his other two works the Big Spin (2014) and the Big Look (2014) are presented by the Galerie Thaddaeus Ropac, Salzburg, Paris under the Hors les Murs programme of the FIAC 2015.  These works from his BIG series pursue his study of the body and space, whereby the artist questions the body as a site, and space and scale as the principle factors which condition our understanding of our environment. These sculptures disorient the spectator, provoking a process of self-observation.  Their presentation in the Tuileries gardens is a continuity of Antony Gormley’s practice in which each exhibition is considered a site of physical and psychological experimentation.

We would perceive the artist’s works as not in the normal sense of being a representation of the subject.  Rather he is trying to arouse the interest about what the nature of the space a human being inhabits is.  What he tried to show is the space where the body is, instead of what the body itself represents.

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Antony Gormley, Big Spin, 2014 under the Hors les Murs programme of the FIAC 2015

Event Horizon in Hong Kong

The project, Event Horizon, is scheduled to be unveiled in Hong Kong on November 19 and will last until May 18, 2016.  Nevertheless, it has already proved provocative during the two years it’s taken to bring the statues to the city.  The statues were meant to have been displayed last year, but Hongkong Land pulled out as main sponsor after a J.P. Morgan employee jumped to his death from the roof of a Hongkong Land property in February 2014.  Some news reports quoted unnamed sources saying that J.P. Morgan was of the view that having Gormley’s life-size statues placed on rooftops would be too much of a reminder of that particular tragedy.

The idea of Event Horizon is to prompt Hong Kong people to pause amid their daily rush and to take a good look at the details of what’s around them.  It aims at actualising the art’s value – its ability to stimulate thoughts that were lost or thoughts that would otherwise not exist at all.  It is true that in a smartphone-obsessed city, the population in Hong Kong rarely takes a look at the details around themselves anymore.  In another sense, the project is also about how human will overcome extreme adversity.  It is very much about the place of individuals against forces that are faceless determiners of our lives.  The decision to display the statues in the central business district may not be to everyone’s taste, since the area smacks of exclusivity and may reinforce the link between art and the market.  That said, it is certainly a sound demonstration of the challenge of stereotypical views and unexamined values.

Official website of Event Horizon Hong Kong : http://www.eventhorizon.hk/en

 

Follia Continua! 25 years of Galleria Continua

CENTQUATRE-PARIS

26th September to 22nd November 2015


Cindy

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Fragonard in Love (Fragonard Amoureux) – an exhibition more than just “Erotic”

The Musée du Luxembourg seduces us once again with a new exhibition “Fragonard Amoureux”, an exhibition which revisits the works of Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) who is considered one of the major figures in French painting during the 18th century or the last decades of the Ancien Régime.

Considered a painter of frivolities, Fragonard also excelled in the fields of historical, genre and landscape painting.  But he is most identified with the erotic genre and was popular with the courts of Louis XV and Louis XVI for his delicately pastel colored scenes of seduction, love and hedonism.   Fragonard often painted scenes of gallantry and debauchery, exploring in this manner the various aspects of sensuality and sentiment.

He left behind several exemplary masterpieces: L’Inspiration (a self-portrait), The Lock, Young Girl Reading, La chemise enlevée (The Shirt Removed), The Stolen Kiss and The Swing, to name just a few.  One of his chief works “Les progrès de l’amour dans le cœur d’une jeune fille,” was commissioned by Madame du Barry, Mistress of Louis XV for her chateau at Louveciennes.  Once being gallant, libertine, and concerned with new love ethics, his art had a great influence to the art scene in the half of the century to follow.

The exhibition is divided into different sections under the themes: “The Gallant Shepherd”, “The Loves of Gods”, “Rustic and Popular Eros”, “Fragonard, Illustrator of Libertine Tales”, “Pierre-Antoine Baudouin, A Libertinist Master”, “Fragonard and Licentious Imagery”, “Dangerous Reading”, “The Revival of the Fête Galante”, “Love Moralised”, “Heroic Passion” and “Romantic Allegory”.  All these together conveyed the theme of love and romance.

Erotic?  But what else?

A lot of comments of this exhibition revolve around the word “erotic”.  Without doubt, Fragonard’s scenes were pretty scandalous in his era, more or less pornographic.  Some of the content of his paintings and drawings remains shocking even in the society today.  The artist has once declared “I paint with my ass”. ( “je peindrais avec mon cul”)

But other than focusing on this “erotic” aspect, what else could we take away from this exhibition?

A lesson on the mythological love stories

Love is omnipresent in the works of Fragonard.  The exhibition offers a chance for us to revisit the questions of love during the development of time, from the “Grand Siècle” to the Regency.  The concept of gallantry represented one of the values of French identity in the 18th century.  Between 1740 and 1750, the mythological fables of Antiquity illustrated by François Boucher and his disciples became the symbol of a frivolous, even licentious, form of painting.  Since Regency (1715-1723), libertinism had triumphed among the elite by adopting the forms and civilized veneer of gallantry, while in actual fact being a hedonistic quest for carnal pleasure that was completely detached from romantic sentiment.  It was under this influence that Fragonard was trained.  The walk-through of this exhibition is indeed a good opportunity to get a grasp of the mythological love stories during these eras.

 A revisit of the fable of La Fontaine

People having studied the literature or culture of France would have certainly come across the fables of Jean de la Fontaine.  The 18th century represented the glory days of the illustrated books.  The publishing of La Fontaine’s Contes (Tales), which were considered one of the main sources of all libertine literature of the 18th century, was a real triumph at that time.  Fragonard studied the illustrations of the Contes at the end of his stay in Rome and during the 1760s, and has dedicated several series of drawings on this.  The largest album making up of fifty-seven pages and conserved at the Petit Palais is displayed in this exhibition.  What is more encouraging is that the album is accessible online at www.petitpalais.paris.fr, under the section “Étudiants et chercheurs”.

From a different perspective, perhaps we can perceive the works of Fragonard as his frank expression of emotion, where courting lead to sensual encounters.  By going through section to section of the exhibition, our mind travel from the last flames of gallant love and the triumph of libertinism, to the blossoming of a more sincere, sensitive and already “romantic” version of love.

(The exhibition is held from 16th September 2015 – 24 January 2016 at Musée du Luxembourg)


Cindy

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The flood of Céleste Boursier-Mougenot takes over Palais de Tokyo

Acquaalta of Céleste Boursier-Mougenot

After waiting for a month, the new summer exhibition at Palais de Tokyo is officially opened to public today.  Being a fan of this “Palais” of contemporary art, I can’t wait but rushing all my way to explore the new stuffs there.

What has bombarded me in the first place is the Acquaalta of Céleste Boursier-Mougenot, which is set at the entrance level of the museum.  Acquaalta refers to the exceptional tide peaks that occur periodically in the northern Adriatic Sea. The peaks reach their maximum in the Venetian Lagoon and cause partial flooding of Venice.  The artist is representing France in carrying out his project rêvolutions at the French Pavilion of the 56th Venice Biennale (9 May – 22 November 2015) in which he transformed the venue into an oneiric and organic island.  I did not get a chance to the Biennale due to the painstaking exams.  It is almost a luxury for me to be able to find the artist’s work Acquaalta here.

The artist creates a lakeside landscape which leads visitors into an experience – tactile, visual and auditory.  Their perception of the space is changed through the journey under the techniques that intermingle music, movement and images.  This journey, in which everyone’s movements take on great importance, takes the audience into an imaginary experience – a journey of their own psyche.  At the end of the journey, we find a zombiedrone, a technique by which the participants’ images are encrypted, leaving only the moving parts to appear on the screen.

The mastering of space, reflection and transformation of images, and the audio effects all work together to give us a new sensory experience.  We may also find this work loaded with poetry in making reference to the myth of Narcissus gazing at his own reflection

Céleste Boursier-Mougenot

Céleste Boursier-Mougenot was born in 1961 in Nice and currently lives and works in Sète. This artist, trained as a musician and composer, has created works by drawing on the rhythms of daily life to produce sound in unexpected ways.  He was the first French prize-winner of the International Studio Program (PS1) in New York, from 1998–99.

Playing around the materiality – Patrick Neu

The summer exhibition is more than just Acquaalta.  Patrick Neu, an artist who works with materials not often found in the art world: bees’wings, lampblack on glass, eggshells, wax, etc., invites us to get into his dialogue with the materials.

His watercolor series Iris put in front of us both the vanity of the blossoming flowers and their fragility.  The period of blossoming of irises never lasts long, at most fifteen days per year.  However, it is already sufficient for Patrick Neu to capture the vanity of this blossom of the flowers.  The artist uses his precise pencil line, outlining the sinuous and delicate flowers on a velvety white paper, followed with a watercolor coating.   Without over-saturated with colors, the natural colors of these flowers together with their vivid forms make them stand out with an unparalleled finesse in a perfectly neutral background.  The artist has carefully chosen the medium to mark his presentation in a natural context – fragile, frameless, simply pinned the delicate painted flowers to the paper.  Under his work, the life cycle and the ephemeral nature of objects give way to a visual poetry.

Patrick Neu was born in 1963, lives and works in Alsace.

More works of the other artists to be explored

Tianzhuo Chen, Jesper Just, Shelly Nadashi, Isabelle Cornaro etc.

(The exhibition is open from 24 June to 13 September 2015 at Palais de Tokyo in Paris)


Cindy

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