Pablo Picasso (1881-1973), Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV, 14 janvier 1955

Pablo Picasso (1881-1973)

Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV

14 janvier 1955

Eau-forte, grattoir et pointe sur cuivre

Épreuve sur papier vélin de Rives, tirée par Lacourière.  Dation en 1979, MP3016

Pablo Picasso (1881-1973), Femmes d’Alger d’après Delacroix, IV, 14 janvier 1955

Actuellement, le public est invité à découvrir l’exposition « Accrochage Picasso chez Delacroix » au Musée National Eugène-Delacroix.  L’œuvre choisie, dans cet article est un des travails des Femmes d’Alger d’après Delacroix de Pablo Picasso.  En 1955, Picasso exécute quinze peintures, de multiples dessins préparatoires et des estampes, d’après le tableau Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix.

Différente de la représentation de la peinture Femmes d’Alger dans leur appartement dans laquelle Delacroix développa des images d’intimité et de paresse sensuelles, cette œuvre de Picasso a mis l’accent sur les poitrines des femmes.  Leurs seins sont semblables à des obus ou à des bombes.  Dans la composition, Picasso cadra simultanément plusieurs plans différenciés selon plusieurs angles.  La femme de gauche aux seins nus (Jacqueline) contraste avec sa compagne étendue sur la droite, la servante emportant le plateau, et la figure dans l’encadrement de la porte ou du miroir.  Les trois dernières sont entièrement nues et pareillement construites sur des plans et sous des angles différents.  En arrière-plan, l’espace géométrisé en carrés renforce les contrastes des personnages.

Les interprétations de la motivation de Picasso en réalisant cette série d’œuvres d’après le tableau Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix sont multiples.  D’une part, il était impressionné par les femmes arabes lors de sa visite d’une maison musulmane, à Alger et aussi par la femme au narguilé qui évoque pour lui une ressemblance fortuite avec Jacqueline, sa nouvelle compagne après la mort de Matisse.  D’une autre part, cette série est interprétée comme un hommage à l’insurrection algérienne en novembre 1954.  Pour Picasso, les femmes représentant  l’orientalisme mythique sensuel et voluptueux dans le tableau de Delacroix, symbolisent, aussi, une ville sous le joug de la révolution.  La représentation des seins comme des obus et des bombes montre l’hostilité et fait écho à l’émancipation des femmes algéroises qui ont milité à côté des rebelles pour l’indépendance du pays.  Les femmes d’Alger ne furent plus dans l’attente, mais dans l’action, et leur corps ne fut plus érotisé mais guerrier.  L’intimité qui régna dans le tableau de Delacroix fut remplacée par l’engagement physique.

Les techniques utilisées dans cette estampe sont l’eau forte, le grattoir et la pointe sur cuivre.  L’eau-forte est un procédé de gravure en creux ou taille-douce sur une plaque métallique à l’aide d’un mordant chimique (un acide).  C’est donc un procédé de taille indirect.  L’artiste utilisant l’eau-forte est appelé aquafortiste.  Parmi les différents procédés d’eaux-fortes, il existe l’aquatinte, la gravure au lavis ou la manière de crayon qui sont différenciées par les outils ou vernis à graver utilisés.  Le graveur exécute le dessin à la pointe sur une plaque de métal préalablement recouverte d’une pellicule de vernis inattaquable par l’acide.  La plaque est ensuite plongée dans un acide qui creuse des sillons dans les parties travaillées.  Après nettoyage du vernis, la plaque est encrée et mise sous presse.  Le graveur peut immerger plusieurs fois la plaque en masquant au besoin certaines parties qu’il juge abouties.  La profondeur du trait et, par conséquent, sa densité sur l’impression obtenue résultent de la durée d’immersion de la planche dans l’acide.  Le procédé à l’eau-forte n’est donc pas seulement mécanique, mais aussi chimique.  Le geste le rapproche de la technique du dessin.  L’eau forte a l’avantage d’être bien plus facile à mettre en œuvre que le burin et permet une plus grande rapidité d’exécution.   À l’aide du grattoir, le graveur peut repolir sa plaque pour la repentir.  Dans une œuvre, l’eau forte présente des lignes délicates, tremblotantes, hésitantes.

Pablo Ruiz Picasso est né à Malaga en 1881.  Considéré comme le fondateur du cubisme avec Georges Braque, il est incontestablement l’un des plus grands artistes du XXe siècle.  Il avait un désir insatiable d’expérimenter toutes les techniques et d’en imaginer de nouvelles.  Au cours de ces cinquante ans, Picasso est passé du Classicisme au Cubisme ou encore au Surréalisme, combinant parfois ces styles.  Quant à l’estampe, les œuvres gravées de Picasso sont considérables, les pluparts sont réalisées entre 1899 et 1973.  Il s’adonne à l’eau-forte, à l’aquatinte, à la lithographie, à la linogravure, au monotype, en tentant à chaque fois de renouveler le genre.  Picasso découvre très tôt la gravure, possède sa propre presse dès 1907 et grave jusqu’à sa mort à 91 ans.  Loin d’être traitée de manière isolée, la gravure est toujours en dialogue avec les différents modes de création : sculpture et peinture. Il est accompagné dans sa recherche par Roger Lacourière pour la taille douce, par Fernand Mourlot pour la lithographie, par Hidalgo Arnera pour la linogravure et, à partir de 1955, par Jean Frélaut puis les frères Aldo et Piero Crommelynck qui installent une imprimerie à Mougins près de Notre-Dame-de-Vie en 1963.

L’exposition Accrochage Picasso chez Delacroix

Musée national Eugène-Delacroix, Paris

Du 21 Octobre 2015 au 25 Janvier 2016


Cindy

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